mardi 10 décembre 2013

Lettre ouverte à Madame Angela MERKEL

Paris,  le 10 Décembre 2013



Madame Angela MERKEL

Chancelière de la République Fédérale

d’Allemagne


CDU-Bundesgeschäftsstelle
Konrad-Adenauer-Hau
Klingelhöferstraße 8
Berlin 10785
Allemagne


Madame la Chancelière

Après la victoire remportée par l’Union Chrétienne Démocrate  aux élections législatives allemandes ; et la précieuse confiance que vos compatriotes vous ont renouvelée, pour les conduire davantage sur la voie du progrès, il m’est agréable de vous exprimer  mes sincères vœux de plein succès dans votre haute mission à la tête de la République Fédérale d’Allemagne.

Je voudrais ensuite saluer l’élan exceptionnel de solidarité dont l’Allemagne fédérale ne cesse de témoigner envers  la Tunisie en ces moments difficiles et cruciaux de sa transition. Et il va sans dire qu’autant à travers ses institutions régaliennes que citoyennes, et associatives engagées dans cet élan amical de solidarité, l’Allemagne fédérale, s’est particulièrement distinguée par la générosité de ses apports et contributions. Et elle  n’en finit pas, à ce titre, de forcer l’admiration.

Néanmoins après la « Révolution de la Dignité » si une nouvelle page d’amitié Tuniso-Allemande devait s’ouvrir elle ne pourrait faire sens, qu’en étant le pendant d’un projet de société prenant le contre pied des injustices commises sous le régime tunisien déchu.

Est-il cohérent d’apporter à la Tunisie les moyens et l’expertise dont elle a le plus besoin  pour faire aboutir sa transition démocratique et s’interdire simultanément d’interpeller son gouvernement provisoire sur la crise des libertés qui s’y déploie  ? On ne saurait aider utilement la Tunisie à bien faire sa transition démocratique en tolérant l’obstination de son gouvernement provisoire à vouloir ressusciter les injustices ayant rendu le mouvement historique  du 17 décembre 2010, à la fois nécessaire et inévitable.   

Sans vouloir froisser votre optimisme , je me dois de vous dire Madame la Chancelière que la transition tunisienne continuera de trébucher et d’échouer  aussi longtemps qu’elle restera l’otage de forces incarnant le passé et pratiquant, par crainte de tout souffle innovateur, la fermeture et l’exclusion. La racine du mal tunisien, soyez-en sure Madame la Chancelière,  tient aussi à une génération d’acteurs politiques en disgrâce, à court d’audience,  occupant  les devant de la société civile, depuis les années soixante dix, malgré le discrédit, les erreurs et l’inefficience entachant son parcours.










C’est dans ce contexte à la fois préoccupant et regrettable, que le Courant Libéral Réformateur (C.L.R),   dont je suis le fondateur en exil, s’est vu -en raison de son projet de société -  systématiquement interdit d’accès aux médias , obstrué et exclu de toutes les institutions ad-hoc que l’on a mises en place  pour préparer la transition.  Aussi mes requêtes en réhabilitation formulées depuis l’année 2012 auprès du ministre en charge de la justice transitionnelle se soldèrent par un silence valant déni. Privé des attributs d’une citoyenneté effective me permettant de retourner définitivement dans mon pays ; je me retrouve  après la révolution du 17 décembre 2010 .astreint à un nouvel épisode d’exil. Pourtant nulle part si ce n’est sous le soleil qui m’a vu naître et grandir, en Tunisie,  je n’aurais voulu être et devenir.  Imprégnée de considérations partisanes, la justice transitionnelle  qui, faut-il le rappeler, devait en principe préparer l’amorce d’une réconciliation nationale durable s’est vue détournée de son objectif. Et elle s’en trouve désormais engluée dans de viles stratégies, clientélistes et électoralistes la réduisant à un détonateur de crises.   

L’exclusion  du  Courant Libéral Réformateur (C.L.R) du processus de transition est d’autant plus grave qu’elle est l’œuvre d’un système favorisant la résurgence de milices extrémistes cultivant la haine de l’occident, l’apologie de la violence et menaçant sérieusement ensemble les minorités, la laïcité, le droit à la différence et les acquis fondamentaux de la femme tunisienne. L’indulgence complice du gouvernement actuel et ses oppositions factices à l’égard de ces milices extrémistes n’est plus à démontrer.  

Compte tenu de l’implication particulièrement conséquente de plusieurs parties Européennes en général et de l’Allemagne Fédérale à titre particulier dans le processus de  transition que connait la Tunisie,  je me devais Madame la Chancelière de vous écrire la présente lettre. L’exigence de vérité me fonde à vous dire ce que j’en pense,  quelles qu’en doivent être les conséquences. Car je ne saurais croire que des institutions Européennes et Allemandes ; éprises de liberté et de justice ; puissent coopérer étroitement avec un gouvernement censé assurer une transition démocratique, sans daigner lui demander  des  explications sur ses  tentations liberticides.

Dois-je, toutes proportions gardées, céder au pessimisme qui s’est emparé de Theodor W. ADORNO jusqu’à le pousser à se demander ; après  avoir découvert cette effroyable face cachée des modernes,  à Auschwitz, s’il y’avait encore un intérêt à philosopher , et  me demander amèrement à mon tour, après mes douze années d’exil…. face à la réalité des enjeux qui façonnent la transition dans mon pays, face aux tentations totalitaires d’un gouvernement provisoire déniant  impunément à qui il veut son droit d’être et d’exister, et face à ce silence assourdissant de nos amis démocrates d’Europe et d’ailleurs :  mon rêve le plus cher d’une Tunisie pacifiée,  réconciliée avec elle-même, citoyenne, réellement plurielle et démocratique, s’est –il cruellement envolé ?....  Je persiste à croire Madame la Chancelière que ; dépourvus de certaines valeurs éthiques ; même lorsqu’ils sont jalonnés de bonnes intentions,  les intérêts politiques peuvent prédisposer les plus sages parmi les Hommes à cautionner les pires horreurs. N’était-ce pas cette défaillance, cette carence d’humanité qui, tout au long de l’histoire humaine, aura rendu possible la «  banalisation du mal » et engendré au nom de bonnes causes, des douleurs  indélébiles…    

Ayant confiance en votre bienveillance, je vous prie d’agréer, Madame la Chancelière de la République Fédérale d’Allemagne l’expression de toute ma gratitude et de ma très haute considération.

Adel  ZITOUNI

Citoyen Tunisien – Candidat  aux élections présidentielles 

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