Mouvement des Libéraux Démocrates Tunisiens (M.L.D.T)
COMMUNIQUE
Alors qu’elle réclamait massivement dans la rue, depuis le mois de décembre 2010, avec courage et dignité, la rupture avec l’injustice d’un système sclérosé par cinquante cinq ans de pouvoir inique ; la dissidence citoyenne en Tunisie demeure à ce jour en quête d’un gouvernement attentif à ses doléances.
Le 17 janvier 2011, Mohamed Ghannouchi forme un premier gouvernement d’ « union nationale » dans lequel l’équipe sortante préserva la majorité des portefeuilles incluant les ministères de souveraineté. Le Mouvement des Libéraux Démocrates Tunisiens (M.L.D.T) fut alors des rares, sinon premières voix dissidentes, à en avoir contesté la légitimité sans détour. Pourtant remanié, extirpé de certains caciques du régime déchu et comptant des personnalités issues du Parti Démocratique Progressiste (P.D.P) et du Mouvement Attajdid (ex-Parti communiste), le gouvernement de Ghannouchi a répondu par la répression, aux manifestations réclamant son départ.
Face à la pression de la rue et un lourd bilan en vies humaines, Ghannouchi démissionna le 27 février 2011, ne léguant à son successeur Beji Caïd Essebsi, désigné sans concertation aucune, qu’un bilan négatif. La démission de Ghannouchi ne saurait être absolutoire de la responsabilité de son gouvernement. Il lui incombe par ailleurs de fournir aux tunisiens des explications sur les milieux occultes qui, selon son ministre du développement régional, membre du bureau politique du Parti Démocratique Progressiste (P.D.P), se seraient immiscés au cours de son mandat; à son insu, dans la gestion des affaires nationales. [voir le journal en langue arabe « Assabah » du 13 mars 2011].
Le M.L.D.T réclame l’ouverture d’une enquête en vue d’identifier les parties qui auraient procédé à cette immixtion et déplore l’obstruction, ayant entouré un dysfonctionnement politique aussi grave, qui loin de servir les valeurs de la révolution, aura privilégié la culture de l’omerta et des aléas qui lui sont habituellement attachés. La société tunisienne mérite bien une gouvernance fondée sur la transparence, permettant à chaque citoyen de disposer d’une chance égale à faire valoir son avis sur la conduite de l’Etat sans avoir à craindre pour son intégrité.
Depuis sa désignation intervenue dans la précipitation, sans qu’une négociation consensuelle en soit le relais, Beji Caïd Essebsi aura entrepris quelques mesures répondant en apparence aux aspirations citoyennes. Néanmoins, décriée comme simple effet d’annonce, la dissolution de la police politique et du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (R.C.D), sans laquelle la Tunisie ne saurait retrouver la paix civile, demeure, de l’avis des observateurs avertis, sujette à caution. Le M.L.D.T rappelle qu’aucune prospérité ni aucun développement n’est réalisable dans une société ballottée entre l’insécurité et le non droit. Se soutenant mutuellement dans toute société démocratique et libérale, la garantie des libertés et le droit à la sécurité, constituent par leur effet combiné, la condition sine qua none d’un réel progrès.
Conscients des sacrifices que la Tunisie profonde avait consentis pour se libérer du joug de la dictature et prenant acte de l’engagement financier et politique de l’Union Européenne aux fins de procurer à la société civile de quoi réparer ses désordres et mettre à niveau ses institutions, nous, militants du Mouvement des Libéraux Démocrates Tunisiens appelons l’attention du Gouvernement Tunisien, de l’Union Européenne et l’Internationale Libérale sur les questions ci-après énoncées à savoir :
1- La situation de la haute commission pour la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique :
Institutionnalisée par le décret loi du 18 février 2011 N°6/2011 ; la haute commission pour la réalisation des objectifs de la révolution, devait cristalliser la diversité politique, intellectuelle, sociale et régionale en s’ouvrant à toutes les forces vives justifiant d’une contribution conséquente dans la lutte contre le régime déchu. En dehors de ces conditions cette commission serait incapable d’assurer la défense des objectifs de la révolution. D’ores et déjà et contre toute attente, sous la présidence de Yadh Ben Achour, la haute commission s’est muée en organe de communication au service d’une feuille de route politique priorisée et fixée d’avance. Aussi elle n’est pas représentative des minorités et de plusieurs démocrates, notamment le M.L.D.T, au moment où y siègent des partis politiques inventés ex nihilo après le départ du Général Ben Ali, et des individus notoirement gagnées au régime déchu. Cette commission, ne saurait conduire les forces vives en Tunisie vers la réalisation des objectifs de la révolution sans qu’il soit procédé vigoureusement à la reconsidération de sa structure et son fonctionnement.
2- Les lois scélérates et antidémocratiques du régime déchu :
La loi n°32 du 3 mai 1988 en son article 7 et L’article 40 de la constitution (caduque) réservent aux tunisiens « binationaux » une citoyenneté de seconde zone, inacceptable dans la Tunisie nouvelle. Il n’est pas possible de bâtir le projet d’une société démocratique sur la base d’un dispositif juridique anachronique et contraire à la Déclaration Universelle des droits de l’homme (article 21) et au pacte international sur les droits civils et politiques (articles 25 ; 26). Ces dispositions législatives et constitutionnelles, d’un autre âge, frappent d’incapacité juridique chaque tunisien titulaire d’une deuxième nationalité en lui déniant le droit de se porter candidats à la présidence de la république et d’être fondateur ou dirigeant d’un parti politique. Il n’est pas sans intérêt de rappeler que ce statut discriminatoire concerne essentiellement la communauté des tunisiens immigrés pour des raisons économiques et politiques.
Ces dispositions n’ont plus aucune raison d’être en Tunisie d’autant plus que le gouvernement tunisien vient de ratifier les deux protocoles facultatifs additionnels au pacte internationale sur les droits civils et politiques.
3 – L’impunité :
Le régime déchu s’est distingué durant son règne par une politique sécuritaire systématiquement attentatoire aux droits de l’homme. Les atteintes à la vie privée, la pratique de la torture, les traitements inhumains et même le meurtre étaient les traits génériques de la gouvernance du Général Ben Ali. Il est important de relever que les tortionnaires et leurs commanditaires sont à ce jour à l’abri de toute poursuite judiciaire sérieuse. Ils bénéficient de la passivité, autant du gouvernement Caïd Essebsi que celle, curieuse, de certains milieux traditionnellement engagés contre l’impunité. La loi d’amnistie générale constitue, certes, un pas important sur la voie de la réconciliation nationale, néanmoins, elle ne saurait être exclusive du droit des victimes d’attraire leurs tortionnaires devant une justice républicaine et impartiale. Inscrivant le respect de la dignité humaine parmi ses priorités programmatiques (Charte et Programme au lien ci-dessous) pour une Tunisie nouvelle, libérale et démocratique, le M.L.D.T demande instamment au gouvernement tunisien de prendre toutes les mesures nécessaires pour rompre le cycle de l’impunité et jeter, ce faisant, les bases d’une réelle réconciliation nationale en Tunisie.
Voir charte et extraits du programme du M.L.D.T :
Adel ZITOUNI
Président du Mouvement des Libéraux Démocrates Tunisiens
Paris le 24 mars 2011
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