lundi 15 novembre 2010

Notre message au CE de l'Internationale Libérale du 13-14 novembre 2010

Monsieur Hans VAN BAALEN,  Président de l’Internationale Libérale
Mesdames et Messieurs les membres du comité exécutif
Honorable assistance
Chers amis

Permettez-moi, avant d’aborder le thème de ma communication, de saluer, en chacune et chacun d’entre vous, l’engagement déterminé à promouvoir la culture des valeurs libérales et démocratiques, dont l’importance pour nos sociétés n’échappe à personne, dans un monde plus que jamais convulsif.  Je voudrais par ailleurs souhaiter plein succès à vos travaux, au titre de cette 158 eme session du comité exécutif qui se tient aujourd’hui même à cape town.         

Je vous adresse ce message  appelant vivement votre attention sur la déliquescence inquiétante de l’état des libertés qui prévaut depuis longtemps dans mon pays, la Tunisie,  frappant d’inertie les espaces citoyens, sans lesquels, vous en conviendrez mes chers amis, il n’y a point de démocratie.
En Tunisie, l’on assiste désormais aux signes avant coureurs d’un État  défaillant, à son rôle premier. Celui d’être le gardien suprême des libertés. Le droit à la différence y est incriminé. Et les espaces destinés à rendre possible l’éclosion d’un débat public libre et contradictoire, autour de la gouvernance,  s’y trouvent obstrués. Depuis l’année 1991 toute velléité d’opposition réelle est condamnée à cette atmosphère délétère, la réduisant, au mieux au silence sinon à l’exil. Les  journalistes  honorant strictement leur devoir d’information encourent de lourdes peines au motif, fallacieux, d’avoir troublé l’ordre public.

Je voudrais aujourd’hui, mes chers amis, vous alerter, particulièrement, sur le cas du journaliste Fahem Boukedous. Condamné récemment à quatre ans d’emprisonnement fermes et interné, sans égard à ses graves problèmes de santé, dans la suite de sa couverture médiatique au cours de l’année 2008, non sans courage et professionnalisme, du  mouvement social qui aura, des mois durant, secoué le sud du pays. Souffrant et affaibli, M.Fahem Boukedous, actuellement en grève de la faim, court des risques sérieux pour sa vie, en regard de l’insalubrité du milieu carcéral Tunisien et faute de suivis médicaux réguliers.
Dans la Tunisie, ignorée par les spots publicitaires du tourisme à bons prix, un simple lien de parenté avec un proche parent exilé, pourrait bien suffire pour fonder l’acte d’accusation vous déclarant passible des pires traitements. J’en citerais le cas de Madame GHARBI Zouleikha, qui fut torturée en Tunisie par un haut fonctionnaire du ministère de l’intérieur, de surcroit, ex-diplomate, tout simplement parce qu’elle est l’épouse d’un dissident exilé. Le tortionnaire de Madame GHARBI, jamais inquiété en Tunisie, a été condamné le 24 septembre 2010 par contumace, en France, à douze ans de réclusion criminelle, pour actes de torture.
      
Appelée à garantir  la paix sociale, et la sécurité et par  principe à être  gardienne des libertés, la justice tunisienne est minée, par des maux ayant pour nom : soumission et dépendance au pouvoir exécutif. Dans ce contexte le gouvernement s’en prend, particulièrement depuis l’année 2005, aux magistrats qui font encore honneur à leur haute et combien sensible responsabilité. Ces derniers sont l’objet d’une logique punitive, leur imposant, abusivement, des retenues sur leurs salaires et le blocage, de leur droit à l’avancement.    
Les libéraux démocrates tunisiens  condamnent cette dérive autoritaire. Aussi, ils expriment leur indignation face à la posture vénale et complice d’une opposition décor faisant délibérément office de porte-parole officieux d’un gouvernement promettant, depuis vingt ans, la perspective hypothétique d’un changement démocratique, reporté systématiquement sine die.
Les scrutins présidentiels et législatifs que la Tunisie avait connus depuis le 07 novembre 1987, date à laquelle M.Zine El Abdine Ben Ali avait accédé à la magistrature suprême, n’ont pas manqué de décevoir, et les promesses, non tenues, d’une ouverture politique à l’aune du degré  d’évolution atteint par la société, finirent par se faner en simples déclarations désuètes.
En effet, depuis le 7 novembre 1987 à ce jour, vingt trois années de pouvoir absolu se sont écoulées. Elles scindèrent la société tunisienne en deux sphères réciproquement hostiles, s’excluant l’une l’autre...Car ce sont vingt trois années d’impunité, jalonnés de dénis de justice, et de mépris notamment pour les souffrances des victimes de la torture. Voici une pratique moyenâgeuse largement employée dans les commissariats de police où l’on accroche, à côté des portraits du « Chef de l’État », la « Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ». Depuis le 7 novembre 1987, au jour d’aujourd’hui, la société tunisienne aura vécu vingt trois années d’incrimination du droit à la différence et d’atteinte aux libertés d’expression et d’association,  vingt trois années de braises, qui la jetèrent dans un conflit avec elle-même. Un conflit dont nous craignons la phase finale, puisqu’il  n’est pas encore terminé et ne pouvant l’être, faute de sursaut de sagesse au sommet de l’État.    
Chers amis
Cette réalité, ce mal tunisien, n’a pas lieu d’être, dans un pays comme la Tunisie, économiquement émergent, ayant à son actif des atouts conséquents l’habilitant, en principe, à une gouvernance libérale. Certes, la Tunisie dispose d’une performance macro-économique; prometteuse ; dont on se réjoui, l’inscrivant parmi les pays en développement les mieux notés, et le premier en Afrique, au regard des critères internationaux de compétitivité.
Le statut moderne de la femme, la jeunesse de la population et la politique de scolarisation obligatoire, réduisant sensiblement le spectre de l’analphabétisme et la déperdition scolaire, autant d’acquis que les tunisiens n’en sauraient mettre à profit, à bon escient, faute de démocratie et d’une politique d’investissement tant privé que public, transparente et équitablement partagée entre les régions du pays.
Si une perspective susceptible d’épargner la Tunisie aux lendemains incertains existait ce serait celle fondée sur la justice sociale et le consensus. C’est un défi immense à relever, dont la responsabilité, de notre point de vue ne peut qu’être partagée entre le gouvernement et l’opposition réelle. Celle-ci, nous en sommes convaincus, devrait resserrer  ses rangs à l’orée des échéances politiques de l’année 2014, autour d’un projet alternatif de réforme pour une Tunisie de la citoyenneté et la justice.

Chers amis    

Le gouvernement tunisien, partenaire de l’union européenne, est, comme vous le savez,  demandeur du statut de partenaire économique privilégié. Un rang auquel seuls le Maroc et la Jordanie avait accédé, en considération de leurs avancées politiques libérales.  Nous saluons toutes les politiques dans le monde arabe allant dans le sens de l’histoire,  consolidant les libertés fondamentales et  la réconciliation nationale.
Cependant, en octroyant à la Tunisie le rang de partenaire économique privilégié, qui en ferait un État quasi membre de l’Union -des valeurs- Européennes ;  sans qu’il  y’ ait de la part de son gouvernement une volonté d’amorcer un processus effectif de réconciliation et une réhabilitation  des libertés ; certaines démocraties européennes prendraient le risque éthique, de décerner une prime à un système de gouvernement, une culture de gouvernement , hostile, à cette « chose dû à l’être humain du seul fait qu’il est humain » selon Paul Ricœur, la pierre angulaire de la civilisation des modernes, j’entends par là : La Dignité Humaine       
     
Sachez, Monsieur Hans VAN BAALEN, mes chers amis, que l’engagement des Libéraux Démocrates Tunisiens rejoint parfaitement votre détermination à faire diffuser les valeurs libérales humanistes et de bonne gouvernance.
Je vous réitère mes souhaits de succès pour vos travaux et vous remercie pour votre attention.
Adel ZITOUNI
Exilé depuis le 23 août 1999 en France
Président du Mouvement des Libéraux Démocrates Tunisiens (M.L.D.T)
Paris - 13 novembre 2010  


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